KOSA

In gravité (En liquidación)

Performance

Conception et performance : Scheherazade Zambrano

Régie générale : Rémi Vasseur

Création sonore : Hugo Fuzz

Performance présentée au Museo de la Mujer, Mexico, 2015 : https://vimeo.com/manage/videos/339823104/0b0f6ef9df

Si la vie est un perpétuel cri de couleur, comment faire pour entendre son écho et échographier le visage de ce qui nous fait souffrir ? 

Wajdi Mouawad 

Imaginons l’histoire d’une femme qui s’appelle Olga, ou bien Guadalupe ou encore Scheherazade… C’est une femme, donc, qui marche d’un pas assuré, affirmé et serein. Elle prend plaisir d’ailleurs à cheminer, à frotter ses talons aiguilles sur le bitume, à saisir l’amplitude de ses jambes qu’élancent ses belles chaussures lustrées, aussi rouges que ses lèvres qu’elle vient, sans doute, soigneusement de remaquiller. Le labeur l’a épuisée, alors elle laisse glisser ses avant-pieds sur un sol gorgé de vestiges refoulés par la lueur crépusculaire. Son pas y puise un nouveau souffle, y creuse de menus sillons et la porte loin de son lieu de travail. 

L’air qui virevolte est doux, quoique peu savoureux, car, plus elle avance, plus le poids de la journée s’intensifie dans ses chaussures. Tandis que son talon signe avec fermeté la route du retour qu’elle foule chaque jour depuis des années, la luminosité s’affaisse et l’obscurité naissante se fond posément sur ce corps qui respire la fatigue. 

Mais plus le ciel épouse la nuit, plus l’ombre infâme rôde. Soudain les phares dévorants d’un véhicule aux vitres teintées, ou un autobus et sa musique criarde ou bien une foulée, derrière elle, haletante, toujours plus proche, cannibale et qui cadence désormais ses pas à elle, réduits à de la fuite et à de l’effroi. Son paisible trajet vire à la chasse, à la cible, à la suspension de sa marche par la trajectoire d’une main ou d’un frein subit de voiture. 

Puis, dans un temps hors de l’humain, tombe le coup d’arrêt, la condamnation, et la vie commence alors à mourir : c’est la chute et l’aspiration dans la dissonance et la désarticulation de l’horreur inarticulable. La chute n’est que le début de la lente agonie : corps menotté, corps attaché, corps contorsionné, corps convulsionné, corps tordu, corps brisé, corps crucifié, corps chienne, corps plus bas qu’à terre, corps déchet ; un corps qui chute encore et encore, devant nous, devant notre silence. 

La victime, en lambeaux, occupe tout l’espace et c’est pourtant le bourreau qui occupe tout notre regard. Et puis c’est le coup de grâce : la chaussure, en plongée, s’abat sur le sol ; le corps perd pied, ne se situe plus. Cette femme, Olga, Guadalupe ou Scheherazade… s’effondre pour mourir une mort immonde. 

CATHY FOUREZ, Université de Lille3 (CECILLE) 

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